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Scapin – Acte III, scène 2

Scapin est bien décidé à se venger de Géronte à cause de ce qu’il a dit à son fils plus tôt dans la pièce. Il imagine donc une ruse : il prétend que des soldats sont à sa recherche dans toute la ville pour le tuer. Mais il lui propose de l’aider en le cachant dans un grand sac pour l’emmener en lieu sûr.
Lisez le texte ci-dessous attentivement pour pouvoir répondre aux questions. Vous pouvez voir une note de vocabulaire pour les mots en rose. Pour cela, laissez simplement votre souris dessus (sans cliquer ni bouger d’un millimètre) pendant quelques secondes, et la note de vocabulaire apparaîtra.

SCAPIN – Cachez-vous; voici un spadassin qui vous cherche. (en contrefaisant sa voix) «Quoi ! jé n’aurai pas l’abantage dé tuer cé Géronte ? et quelqu’un, par charité, né m’enseignera pas où il est ?» (à Géronte avec sa voix ordinaire) Ne branlez pas. «Cadédis ! jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre.» (à Géronte, avec son ton naturel) Ne vous montrez pas. (tout le langage gascon est supposé de celui qu’il contrefait, et le reste de lui) «Oh ! l’homme au sac !» Monsieur. «Jé té vaille un louis, et m’enseigne où put être Géronte.» Vous cherchez le seigneur Géronte ? «Oui, mordi, jé lé cherche.» Et pour quelle affaire, monsieur ? «Pour quelle affaire ?» Oui. «Jé beux, cadédis ! lé faire mourir sous les coups dé vaton.» Oh ! monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui; et ce n’est pas un homme à être traité de la sorte. «Qui ? cé fat dé Géronte, cé maraud, cé vélître ?» Le seigneur Géronte, monsieur, n’est ni fat, ni maraud, ni bélître ; et vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. «Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ?» Je défends, comme je dois, un homme d’honneur qu’on offense. «Est-ce que tu es des amis dé cé Géronte ?» Oui, monsieur, j’en suis. «Ah ! cadédis, tu es dé ses amis: à la vonne hure.» (donnant plusieurs coups de bâton sur le sac) «Tiens, boilà cé qué je té vaille pour lui.» (criant comme s’il recevait les coups de bâton) Ah ! ah, ah, ah, monsieur ! Ah, ah, monsieur, tout beau. Ah, doucement. Ah, ah, ah ! «Va, porte-lui cela dé ma part. Adiusias.» Ah ! diable soit le Gascon ! Ah !

GÉRONTE, mettant la tête hors du sac – Ah ! Scapin, je n’en puis plus.

SCAPIN – Ah ! monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.

GÉRONTE – Comment ! c’est sur les miennes qu’il a frappé.

SCAPIN – Nenni, monsieur, c’était sur mon dos qu’il frappait.

GÉRONTE – Que veux-tu dire ? J’ai bien senti les coups, et les sens bien encore.

SCAPIN – Non, vous dis-je; ce n’est que le bout du bâton qui a été jusque sur vos épaules.

GÉRONTE – Tu devais donc te retirer un peu plus loin pour m’épargner…

SCAPIN, lui remettant la tête dans le sac – Prenez garde; en voici un autre qui a la mine d’un étranger. (cet endroit est de même que celui du Gascon, pour le changement de langage et le jeu de théâtre) «Parti, moi courir comme une Basque, et moi ne pouvre point troufair de tout le jour sti diable de Gironte.» Cachez-vous bien. «Dites-moi un peu, fous, monsir l’homme, s’il ve plaît, fous safoir point où l’est sti Gironte que moi cherchair ?» Non, monsieur, je ne sais point où est Géronte. «Dites-moi-le, fous, franchemente; moi Ii fouloir pas grande chose à lui. L’est seulemente pour lui donnair un petite régal sur le dos d’un douzaine de coups de bâtonne, et de trois ou quatre petites coups d’épée au trafers de son poitrine.» Je vous assure, monsieur, que je ne sais pas où il est. «Il me semble que ji fois remuair quelque chose dans sti sac.» Pardonnez-moi, monsieur. «Li, est assurémente quelque histoire làtetans.» Point du tout, monsieur. «Moi l’afoir enfie de tonner ain coup d’épée dans sti sac.» Ah ! monsieur, gardez-vous en bien. «Montre-le-moi un peu, fous, ce que c’être là.» Tout beau, monsieur. «Quement, tout beau !» Vous n’avez que faire de vouloir voir ce que je porte. «Et moi, je le fouloir foir, moi.» Vous ne le verrez point. «Ah ! que de badinemente !» Ce sont hardes qui m’appartiennent. «Montre moi, fous, te dis-je.» Je n’en ferai rien. «Toi, ne faire rien ?» Non. «Moi pailler de ste bâtonne dessus les épaules de toi.» Je me moque de cela. «Ah ! toi faire le trôle.» (donnant des coups de bâton sur le sac, et criant comme s’il les recevait) Ahi, ahi, ahi. Ah ! monsieur, ah, ah, ah, ah ! «Jusqu’au refoir: l’être là un petit leçon pour Ii apprendre à toià parlair insolentemente.» Ah ! peste soit du baragouineux ! Ah !

GÉRONTE, sortant sa tête du sac – Ah ! je suis roué !

SCAPIN – Ah ! je suis mort !

GÉRONTE – Pourquoi diantre faut-il qu’ils frappent sur mon dos ?

SCAPIN, lui remettant la tête dans le sac

Prenez garde; voici une demi-douzaine de soldats tout ensemble. (contrefaisant la voix de plusieurs personnes) «Allons, tâchons à trouver ce Géronte, cherchons partout. N’épargnons point nos pas. Courons toute la ville. N’oublions aucun lieu. Visitons tout. Furetons de tous les côtés. Par où irons-nous ? Tournons par là. Non, par ici. A gauche. A droite. Nenni. Si fait.» (à Géronte, avec sa voix ordinaire) Cachez-vous bien. «Ah ! camarades, voici son valet. Allons, coquin, il faut que tu nous enseignes où est ton maître.» Hé ! messieurs, ne me maltraitez point. «Allons, dis-nous où il est. Parle. Hâte-toi. Expédions. Dépêche vite. Tôt.» Hé ! messieurs, doucement. (Géronte met doucement la tête hors du sac, et aperçoit la fourberie de Scapin) «Si tu ne nous fais trouver ton maître tout à l’heure, nous allons faire pleuvoir sur toi une ondée de coups de bâton.» J’aime mieux souffrir toute chose que de découvrir mon maître. «Nous allons t’assommer.» Faites tout ce qu’il vous plaira. «Tu as envie d’être battu ?» Je ne trahirai point mon maître. «Ah ! tu en veux tâter ? Voilà…» Oh ! (comme il est près de frapper, Géronte sort du sac, et Scapin s’enfuit)

GÉRONTE, seul – Ah ! infâme ! ah ! traître ! ah ! scélérat ! C’est ainsi que tu m’assassines ?

Voici maintenant la même scène dans l’adaptation de Jean-Louis Benoît pour la Comédie Française, avec Philippe Torretton sans le rôle de Scapin. Tu devrais mieux comprendre la scène, mais également voir plusieurs différences : certaines choses ne se passent pas comme dans le texte.

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